Base de données des déportés Béninois en esclavage

Cette base de données est l’étonnant résultat d’une expérience menée par notre groupe. Elle est constituée de plusieurs milliers de noms d’Africains déportés en esclavage, principalement au XIXème siècle, depuis les anciens ports de traite de la côte béninoise (Ouidah, Porto Novo, etc.) La base permet non seulement de rendre un nom, une identité, une histoire, presque un visage à des milliers de déportés, mais aussi d’établir un lien solide avec des noms antillais datant de l’abolition de l’esclavage.

La base est présentée sous la forme d’un tableau qui associe à ces noms 28 critères personnels, ethniques, géographiques, cultuels, professionnels, etc. que nous avons réduit à 17 pour la lisibilité du tableau.

Notre travail consistait tout d’abord à nous détacher du paradigme suivant : « les écrits restent mais les paroles s’envolent ». En effet, en Afrique les archives écrites sont quasiment inexistantes, il n’est donc pas possible de s’appuyer sur elles pour explorer le passé.

Nous avons ainsi décidé de sonder la mémoire africaine qui repose sur la tradition orale en allant à la rencontre de la population âgée des villages. Nous avons choisi de faire confiance à ces vieillards, de faire confiance aux techniques ancestrales de transmission orale, tout en nous appuyant sur un questionnaire le plus complet possible.

Au cours de cette enquête, nous avons rencontré 6503 vieillards de 65 à 92 ans, et parcouru 423 villages dans 6 départements du Bénin. 92% de la population interrogée, hommes et femmes, est adepte de divinités. Une partie d’entre eux exercent de hautes fonctions soit en tant que patriarche, soit en tant que chef de culte, soit en tant que tête couronnée. La majorité d’entre eux a reconnu l’intérêt du projet qui, par la même occasion, leur a permis de réactualiser des événements très anciens auprès des jeunes générations.

Sur le plan émotionnel, enquêteurs et enquêtés ont ressenti et partagé des moments de joie et de peine au cours des récits. Un certain nombre d’entre les vieillards ont été envahis par l’émotion, soupçonnant que l’esclavage aura été la cause probable du dépeuplement de leurs collectivités.

Au bout de plusieurs mois d’enquête sur le terrain (un travail de longue haleine dans des conditions d’hygiène et de confort difficiles), nous sommes parvenus à compiler, formulaire après formulaire, des dizaines de milliers de données recueillies sous la forme de cette base de données.

Nous avons eu l’opportunité de visiter des lieux sacrés tenus secrets suivant l’ordre de nos guides, ce qui fut pour nous l’occasion d’en apprendre davantage sur les techniques de la conservation de la mémoire.

Cette base n’est pas exhaustive et, tant qu’il reste à faire, rien n’est fait, dit-on, raison pour laquelle nous sommes ouverts à toute personne désireuse de venir en aide à ce projet. Nous serions également heureux d’apprendre que nos découvertes ont servi d’outils à d’autres chercheurs, ou de pistes aux fils et aux filles descendants des déportés qui sont à la recherche de leurs racines africaines.

Bonne visite dans la base.