Dahomey : Résistance à l’esclavage et à l’arrachement
RESISTANCE A L’ESCLAVAGE AU DAHOMEY : DE LA RECHERCHE A LA DECOUVERTE D’UN DES ROYAUMES LES PLUS PUISSANTS CONTRE L’ARRACHEMENT DANS L’AIRE CULTUELLE ADJA-TADO, KE, HUN ET ÖYÖ.
Cet article a été rédigé à partir de plusieurs sources de la tradition orale, laquelle se transmet de génération en génération concernant les faits importants de l’histoire de cette région. Citons en particulier Avocê Adawoun, adepte du culte de Sakpata et porteur de la mémoire des déportés sur le corps, et Yaïtcha Lochun, initiée d’Orischa Shango, trésorière du Couvent DAH AYIDJI, prêtresse ou Iya des couvents Xëfiosso de wémè.
Les récits traditionnels font remonter très loin dans le temps l’invasion des 2/3 de l’aire cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö (territoire aujourd’hui à cheval sur le Nigéria, le Bénin, le Togo et le Ghana) pour le trafic d’Êtres humains. Elles identifient rapidement les Européens faisant commerce de l’esclavage à côté de leurs auxiliaires c’est-à-dire d’anciens captifs. Leur nombre semblait conséquent au point de constituer une « armée esclavagiste » aux côtés des maîtres. Auparavant, cette région cultuelle et culturelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö (AKHÖ), se définissait, bien avant le XIIIe siècle, par l’ensemble des territoires souverains occupés par des communautés riveraines qui cohabitaient sur les côtes de l’océan Atlantique à hauteur du Golfe de Guinée jusqu’à la pleine de Bornou vers le Nord.
Les récits traditionnels ainsi que l’étude des premiers masques Guêlêdê consacrés aux cultes des ancêtres en Afrique de l’Ouest, tendent à démontrer que la superficie de terre morcelée et répartie plus tard entre les Etats coloniaux à savoir : Ilorin (Awonlin ou Nigéria), l’Oba-Dan (Oba-Danxomey, Danxomey ou le Bénin) et Togoin (Togo Français et le Togo Allemand “Ghana“), appartenaient tous à l’aire cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö. Comme communautés autochtones, on y rencontre : des Kpélé, Peulhs, Bété, Dyula, Gourmantché, des Tchankponnon ou So, Akan, éwé, Edo, Haoussa, Kanuri, Igbo ou Ibo, Béti, Shango, Shara ou Sara, Ogun ou Hun, Fanti, Nago et surtout des Yoruba. Chacun de ces peuples vivait au-dessous d’une gouvernance fédérale dotée d’un pouvoir intergénérationnel et décentralisé.
Le pouvoir étant traditionnel, il est siégé sur des principes coutumiers qui régissent le rapport entre les morts et leurs descendants. A la mort d’un roi, son successeur est connu sur l’avis des ancêtres après consultation du Fâ. Ce dernier est consacré « Oba » par un conseil clanique ou ethnique après une durée d’internement de quatre-vingt-dix (90) jours décrétés pour des préliminaires initiatiques. « Oba » désigne le plus haut souverain d’une communauté traditionnelle Yoruba. Quant à la structuration d’un conseil royal, elle est composée obligatoirement des reines-mères, des patriarches et surtout des Do ou Dâ. On appelle Edo, Do ou Dâ, des hauts dignitaires qui détiennent une partie des savoirs endogènes et des secrets mystiques les plus intimes qui constituent les valeurs cardinales d’une ethnie, d’un clan ou d’une principauté et par extension d’une royauté. On désigne également des rois par l’expression Dâdâ c’est-à-dire le représentant des plusieurs Dâ ou Edo. Les Dâ étant des détenteurs de pouvoirs mystiques d’un royaume, les clauses du bien-être social défendent toute rencontre ou tout échange diurne qui pourrait survenir entre eux et des rois siégeant aux trônes.
Pour une meilleure lecture du journal des arrachements et des déportations en Afrique de l’Ouest, partons à la découverte d’un des royaumes côtiers de l’aire cultuelle et traditionnelle Oba-Dan lequel s’est révélé particulièrement redoutable entre le XVIe et le XVIIIe siècle face aux attaques esclavagistes : Le royaume des « So ».
Territoire princier et inviolable des Dankönou (Dankö), des Togbo-vavi ou des Va-gödjinou ou encore des Togbo-avavinou (Togbota), l’actuel royaume des So et ses contrées lacustres, s’appelaient généralement « agege » soit le surnom d’une ancienne principauté d’Ilorin (Awonlin ou Nigéria). Principauté économiquement autonome, la péninsule princière de « agégé » s’était rendue alors très attrayante grâce à son grand potentiel halieutique. Elle atteint son apogée vers la deuxième moitié du XIVe siècle avant que n’arrivent les guerres de razzias qui deviendront très récurrentes sur l’ensemble des côtes du Golfe de Guinée. Pourchassés par des esclavagistes portugais, plusieurs vagues de princes venus de sept royaumes voisins ont cherché refuge dans la péninsule des agégé où ils formeront un seul royaume appelé So qui signifie « fusil » ou « arme à feu » ou encore « l’arme de Shango Xêfiosso ». Il s’agit d’un groupement militaire formé par des royaumes et empires envahis à savoir : des Dankönou, des Djéviénou, des Djigbénou, des Togbotanou, des Ikpokianou ou Kénou, des Wémènou et des Akpa-kpanou. La défense du territoire et des personnes contre les razzias étant les objectifs principaux, ils se sont fédérés par alliances autour des pouvoirs de résistances divines à savoir :
- Ahouangou et Shango pour des Djigbénou,
- Sogbo et Kpassingbo pour des Djéviénou
- Va pour des Dankönou
- Houéssiö pour des Ikpokianou ou des Kénou
- Toxossou et Kpodjêagongo pour des Wémènou
- Liali et Dan pour des Dankönou
- Togboava et Kpodjêagongo pour des Togbotanou.
C’est un tournant dans l’histoire des cultes et de la philosophie vodoun. Les couvents vodoun se sont militarisés par la force des choses. En effet, avant d’être un moyen de résistance et de lutte, avant l’invasion et les captures massives et les déportations en esclavage, le vodoun n’était pas à vocation militaire. Ces cultes s’assimilaient bien à une philosophie de vie, à une interface pour comprendre le monde des vivants et des morts. C’est ce qui explique d’ailleurs le retard dans les résistances des populations africaines de l’aire cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö.
Désormais la formation des jeunes adeptes ou des amazones était communautaire avec un délai obligatoire de 18 mois soit une année traditionnelle pour des adeptes de Dan et 54 mois soit trois années traditionnelles pour des Sakpatassi. L’usage des armes à feu, excepté ; la plupart des disciplines enseignées dans les couvents vodoun de l’aire cultuelles et royales Adja-Tado, Ké, Hun et öyö étaient comparables à un grand nombre d’entraînements au combat dans des « camps militaires » et aux matières enseignées dans les « écoles coloniales ». Il s’agit de :
- La natation (la science d’une vie aquatique)
- Le Fâ (la science du passé, du présent et de l’avenir)
- La chasse à main levée (courir après des animaux de brousse jusqu’à les capturer vivant peu importe leur nature venimeuse ou sanguinaire
- L’endurance : (elle sert à faire le tour d’un arbre en petit foulée pendant une demi-journée)
- Le sport (acrobaties, la vitesse et les dribles)
- La botanique
- L’accouchement
- La médicine
- La pêche
- L’invisibilité (mystique)
- La danse
- L’histoire
- La géographique
- La géométrie
- La lecture cyclique à travers la voix des animaux
Quant à l’agriculture, elle demeure une discipline obligatoire et vitale d’où elle occupe une première sur la liste des cultes natalistes en l’occurrence l’ensemble des rites qui sont célébrés pour permettre l’inscription d’un nouveau-né dans le cercle de sa famille d’accueil.
Dorénavant terre cosmopolite de plusieurs chefferies, ces îles connues sous l’appellation Agégé perdirent leurs potentialités halieutiques et économiques au profit des îles militaires encore appelées « cités armées » des royaumes autochtones de l’aire cultuelle et Royale d’Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö. A en croire des patrimoines secrets et sacrés encore disponibles dans les Mausolées des divinités Sogbo aux Agégé et celui Ahouangou sise à Djigbé : il était de plus en plus difficile de rester sur la terre ferme pour combattre des envahisseurs supérieurement armés. Les forces vives de toutes les royautés persécutées ont pris la résolution de fusionner. Sans atteindre l’apogée et sans l’obtention des accords de protectorat, plusieurs royaumes du district Oba-Dan ont trouvé refuge sur les îles des Agégé sous couvert de l’autorité royale d’un brave et puissant souverain qui est devenu très célèbre sous le nom « Linzé I » ou encore « So-Holou Linzé 1er ». Connu pour ses nombreuses victoires contre des troupes esclavagistes, il parvint à garantir la sécurité et la paix aux principautés hospitalières en érigeant des barrières militaires au long du fleuve wémè (Ouémé long (512 km), empêchant ainsi la traversée des captifs qui se faisait par des bateaux de petites tonnes. La permanence était de 7 à 16 jours et était assurée par des adeptes vodoun ; notamment ceux qui sont admis à l’étape de transes, ce qui facilitait leur invulnérabilité face aux attaques ennemies.
Les compagnies britanniques ou portugaises qui occupaient abusivement les côtes de la lagune de Bada-agri (Porto-Novo) ont dû revoir leur stratégie de razzias face à l’imperturbable Linzé Ier. Pour certifier la supériorité de l’armée souveraine ou locale au-dessus des marchands armés anglais, le roi Linzé créa vers 1715 une armée de patrouille fluviale qu’il baptisa Achti c’est-à-dire « tu es éteint ». Il s’agit d’une troupe d’adeptes en transe qui monte la garde, tous armés de pagaies ou javelots mystiques au bout tranchant et venimeux ; et qui parcourait sans arrêt le fleuve wémè (Ouémé) à bord d’un canot équipé de tambours, des gongs et des tambouristes qui battaient et qui chantaient des mélodies cultuelles pour faire perdurer les moments de transes chez des adeptes au profit d’une longue durée d’invulnérabilité. Des mémoires immatérielles les plus marquantes de l’histoire de So-Holou c’est-à-dire le roi Linzé Ier on retient l’hymne de cette armée fluviale qui est intitulé « Sabada ï kou bör danxomê dan » et dont le texte raconte que la mort du négociant Saba-Do-Santos a été une tragédie pour la ville comptoir d’Agbomê (Abomey-Danxomey).
La petite histoire : à maintes reprises des négociants étaient capturés vivants et leurs armes étaient arrachées par des adeptes ou des soldats souverains et autochtones. C’est ce qui a permis d’ailleurs la fondation des camps militaires à savoir :
- SO-TCHIANXOUE = La maison où les armes arrachées sont conservées
- SO-ZOUNKÖ = Des armes arrachées sont devenues ou se sont transformées en sable après plusieurs années de rouilles ou de corrosion.
- SO-Manyi = La citée défendue par toute pénétration armée
- SO-Yiava = Des armes à feu ont été ensevelies ou cachées
On appelle désormais le royaume des Aguégués, l’île des résistances ou communément “So-Holou To’’. Des européens vont s’imposer plus tard, mais avant d’y arriver, il leur faudra plus de 50 ans, période après laquelle d’anciens captifs noirs au service des négociants aideront leurs maîtres à prendre des dispositions suicidaires contre l’invulnérabilité des adeptes souverains. C’est à partir de ce moment que des attaques ennemies ont été orientées contre des mausolées vodoun etc.