Hunwê de Guêlêdê des figures emblématiques de la résistance à l’esclavage
Hunwê de Guêlêdê, pour l’histoire et la mémoire des esclavages
Du 21 au 25 octobre, le Mausolée Historique de l’aire Cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö (HAKHÔ) a servi de cadre au Hunwê des Guêlêdê. Sis au cœur du Royaume ancêtre des Kénou au Bénin, commune de Dangbo, le Mausolée HAKHÔ a accueilli plusieurs initiés des couvents Guêlêdê venus de plusieurs clans d’origine Yoruba. Cet événement était placé sous le haut patronage du pontife DAH-GBEHOUINNON AYIDJI, président du comité fédéral des cultes endogènes de l’aire Adja, Ké, Hun et Öyö. En effet, durant ces cinq jours, des initiés ont loué, glorifié et célébré la mémoire des anciennes figures emblématiques qui se sont sacrifiées résolument pour protéger la liberté et les droits des peuples de cette région depuis le début de la traite négrière jusqu’à la colonisation.
Qu’est-ce que le Guêlêdê ?
Les traditions de l’aire cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö, désignent par l’expression “Guêlêgbêdjê” devenu Guêlêdê par succession de transformations linguistiques, l’ensemble des cultes voués aux défunts (hommes ou femmes) dont les visages ont été sculptés de leurs vivants en guise de gratitudes pour des nombreuses missions qu’ils ont accompli pour leurs communautés respectives.
Guêlêgbêdjê ou Guêlêdê serait en effet, le nom initiatique désignant le visage sculpté de toute personnalité socio-traditionnelle déportée ou ayant perdu la vie au cours d’une mission de défense des intérêts souverains et patriotiques de son ethnie ou de son clan. Autrement dit, le Guêlêdê correspond à une photo d’identité très ancienne pour les communautés traditionnelles de l’aire Cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö (Bénin, Togo, Nigéria). Loin d’être considéré comme de simples masques, le Guêlêdê demeure un culte très précieux et cher aux peuples Gun, Aïzö, Mina, Yoruba, Tchévié, Wémè, Dogon, Sénoufo, Malinké, Ké, Kabiais et Akalaba des communautés noires du monde.
Les cultes et pratiques de Guêlêdê puisent leurs origines des traditions Yoruba et appartiennent à la descendance des Odoudoua, tout comme le Shango, Xêfiosso et Egun-gun qui sont des cultes intimement liés ici à l’esprit même des ancêtres, les plus braves de l’histoire des communautés noires du monde. En dehors du respect strict de la hiérarchie clanique dont la sommité est représentée par la fonction d’un pontife ou d’un Dah, on distingue généralement ces divinités à chaque sortie par un style vestimentaire basée sur le port des tenues ou des matériels appartenant à un ancêtre mort il y a plusieurs années ou plusieurs siècles.
Guêlêdê, photographie ancestrale, conditions d’impression
L’impression des visages, des cicatrices et d’autres détails faciaux appartenant aux figures emblématiques sur un ou plusieurs arbres qui ont été consacrés à leurs esprits (qu’ils soit vivants ou mourant) a joué un rôle plus que prépondérant dans le système d’archivage de l’histoire et de la mémoire des esclavages dans l’aire cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Öyö. Il consiste à solliciter dans un premier temps un oracle communément appelé Bokonon ou Babalao. Celui-ci doit dès le début assister spirituellement le pontife ou le Dah et les autres responsables claniques d’une des sept communautés mères des Odoudoua à identifier et à consacrer un arbre pour l’esprit d’un des plus braves guerrières ou artistes de leurs communautés. Dans un second temps, il aura à lancer un appel d’offre aux sculpteurs de toutes les régions environnantes pour l’impression du visage du distingué héro dont la biographie fut déjà immortalisée dans le panégyrique clanique et des chants populaires.
Connaissant les signes du Fâ qui régissent le rapport entre l’arbre qui sera consacré pour l’esprit du ou de la guerrière de cette forme de distinction clanique, des autorités traditionnelles organisent des cultes de présentation d’offrande à l’arbre identifié avant d’autoriser son tronçonnage en présence du bénéficiaire par le collectif des sculpteurs sélectionnés. Une fois l’arbre abattu, chaque sculpteur invité doit choisir et couper une partie de l’arbre qu’il ramènerait soit chez lui, soit dans le couvent vodoun où le bénéficiaire fut interné ou enfermé pour être observé et dessiné.
Compte tenu des méfaits de l’arrachement devenu très récurrent entre le XVIe et le XVIIIe siècles, plusieurs couvents vodoun de la communauté Odoudoua ont privilégié l’impression des visages faciaux de leurs guerriers et guerrières avant le premier déploiement de ceux-ci sur des zones de la résistance notamment sur les côtes du Golfe de Guinée baptisé la côte des esclaves par des marchands européens. C’est ce qui explique le progrès extensif connu par les cultes Guêlêdê qu’il ne faut pas confondre ave les “masques” qui sont des faux visages en carton, en cuir, etc. qui ont pour fonction le déguisement ou la dissimulation.
Objectifs de HUNWÊ GUÊLÊDÊ pour les prochaines années
Vu l’importance des Guêlêdê pour l’histoire et la mémoire des esclavages, la coordination de Hunwê de Guêlêdê qui est quant à elle un département du Mausolée HAKHÔ s’assigne la mission de restituer la biographie de ces anciennes figures emblématiques de la communauté noire dans un bref délai. Il serait question de rassembler tous les ans au mois d’octobre entre clans héritiers de ce système d’archivage de l’histoire et de la mémoire, spécifiquement autour de ce type de culte voué aux figures emblématiques de la communauté noire.
Pour le coordinateur en l’occurrence M. FASSINOU Yindjla cette première édition a été un succès très majestueux qu’on n’aurait jamais imaginé. Dans son allocution adressé aux participants, M. Yindjla explique clairement que l’objectif de cette initiative n’est pas de valoriser et révéler forcément les diverses potentialités de ce patrimoine aux profanes mais qu’il consiste au prime abord à renforcer des alliances de protection existantes entre des morts et leurs descendants. Pour lui, il s’agit d’un creuset supplémentaire qui certifie l’engagement de son jeune département hébergé au cœur du Mausolée HAKHÔ pour une meilleure connaissance des réalités africaines longtemps diabolisées ou profanées. « En se rattachant aux visages de nos anciens, le culte de Guêlêdê nous livre entièrement la biographie des figures historiques, laquelle biographie doit servir de leçon aux jeunes générations des résistants sur l’épineux chemin qu’ils doivent parcourir pour atteindre la liberté » a-t-il conclu. Notons que cette première édition a connu le déroulement d’un programme très riche en communication et exposition.